Une BX sur le Styx

On n’a pas le droit d’être un peu nostalgique du temps où on avait une machine à laver ? C’est un monde ça.
Ma BX 555, c’était ma protégée.
Elle s’appelait comme ça, oui.
Sans doute parce qu’elle faisait le bruit d’une BX lancée à pleine vitesse sur l’autoroute A5. (Ça marche aussi avec l’A20 et l’A4. Mais pas avec l’A6, évidemment. On ne peut jamais être « à pleine vitesse » sur l’autoroute A6).
Une BX avec 555 cv dedans, forcément.

Ma BX 555, elle était tellement vieille qu’elle avait des fuites.
Non, pardon, c’est pas ce que je voulais dire.
Elle donnait pas à manger aux pigeons non plus. Et elle avait encore toutes ses dents. Pour dire comme elle était encore en forme.
Nan. Ma BX 555, elle était tellement vieille qu’elle a pas connu l’avènement du net.
Sur les forums de réparations de lave-linge et grille-pains et sèche-cheveux et ouvre-boîtes et pots de moutarde, personne ne connaît son nom.
Un temps, j’ai cru qu’elle avait pris un pseudo, pour faire sa coquette.
Quand on veut pas faire son âge, si on s’appelle Odette, Léonce ou Simone, forcément, ça grille un peu. (Mais pas comme un grille-pain).
Eh ben même pas. Elle devait vraiment s’appeler BX 555, ma louloute. 

Du coup, je peux pas la soigner, puisque personne n’est habilité à me conseiller…
C’est moche. J’ai bien vu que sa plaie devenait de plus en plus béante ; alors j’ai décidé de ne plus la mettre à contribution et de la laisser se reposer. A part dormir, elle fait plus grand-chose, maintenant. Elle me tient compagnie, à sa façon, quand je suis dans la cuisine. C’est déjà ça.

J’ai essayé de trouver des points positifs à cette situation éprouvante. Après mûre réflexion, je n’en ai trouvé qu’un (à part épargner les oreilles de mes voisins, ça coule de source) : avec un peu de chance, ça va en faire des histoires à raconter dans le lavomatic…